samedi 9 juillet 2011

Arrêt Kippa

A l’heure où le regard se pose bien plus naturellement sur le cône supérieur du sablier, il est de bon gout d’immortaliser le temps mort de ce qui fut l’un des derniers voyages, à Arequipa. Départ le 24 juin au soir, pleins d’enthousiasme dans le semi cama. Cette jolie brune et moi, ça faisait un petit moment qu’on prévoyait de rebleuter le ciel de nos journées grises, a fuera de Lima.

Réveil en douceur sur la panaméricaine Sud, des sommets enneigés trahissent la sécheresse de la côte. L’hôtesse me tend un sandwich jambon fromage, je lui rends un merci mais bon dommage, mon estomac lui, dort encore. Un merci aux taxis et nous embarquons dans la combi qui nous mène au centre. L’air est pur, les rues agréables, photogéniques. La lumière est puissante, les ombres sont nettes, la capitale est loin. Arequipa, la ville relai pour les cambrioleurs européens n’a pas été zappée par les architectes du vice royaume : le centre regorge de vielles bâtisses coloniales en sillar, pierre blanche du coin et vaut la promenade qui inclut aussi Santa Catalina, le très vieux couvent franciscain qui surprend par ses ocres provençaux et ses bleus grecs. Photos faciles.

Enfin ça vaut aussi le coup de s’éloigner des arcades de la place d’arme pour déshabiller un peu plus la cité. La fin d’après midi sur la colline de Yanahuara est particulièrement agréable, et les petits vieux le savent. On se verrait bien vivre à Arequipa pour un temps, et aussi en grande partie parce que le fromage que l’on goûte sous la vielle halle du marché central ne laisse pas indifférent. L’abuela avec qui nous partageons notre banc au déjeuner non plus, dans la mesure où elle nous indique avec délicatesse que les athées que nous sommes avons deux places réservées chez Satan. Quant à elle, Jésus lui ofrira un billet pour les états unis en 2012. Son mari qui écoute d’une oreille lui dit de laisser manger les jeunes et nous sourions.





Pourtant l’heure est au nomadisme et nous partons pour Cotawasi, un canon moins connu et atouristique que Colca. Il faut dire que l’accès requiert détermination : 11 heures de bus franchement poussiéreux sur une route franchement pas goudronnée. Le voyage retrouve sa connotation sismique. A trois heures du matin, quand depuis une demi heure le sommeil avait enfin gagné sa bataille avec les secousses, nous voilà dans le froid sec d’un pueblo andin perdu que nous découvrirons demain, après un réveil plus tolérable.

Cotawasi n’est pas grand mais il est vivant, la ruelle centrale grouille de sombreros qui s’affairent entre les vielles bâtisses écrues aux volets de bois inégaux et petits balcons de travers. La municipalité nous éclaire sur les itinéraires et nous voilà partis pour la première journée à cavaler entre les murs de pierre des champs irréguliers. On cherche une lagune mais trouve à se perdre. La lumière est forte alors les pupilles se rétractent et la vision se voile d’un doré de vielle photographie.

Le lendemain nous foulons de bonne heure les pavés endormis jusqu’à la combi qui nous emmène à Sipia, une faille vertigineuse dans laquelle se jette le fleuve. Au milieu des cactus la vallée s’éclaire progressivement. Le combi ne faisant qu’un aller retour par jour, on l’intercepte quand il rentre à Cotawasi pour attraper celui de Pampamarca. La nuit tombe vite, avec elle la température et quand le petit combi fini son ascension dans le petit village le soleil a déjà finit son service. Les rares lampadaires dévoilent les vieux murs en pierre et dans l’obscurité des ruelles nous entendons par ci un téléviseur, par la une radio mais globalement ça reste calme, et l’isolement est total. Notre promenade nous fait rater la soupe et nous allons cuisiner dans la modeste boutique de notre aimable logeuse avec qui nous partageons notre vin artisanal un peu sucré.

Réveil avec le soleil. Elle ne me croit pas quand je lui montre le haut de cette montagne sur laquelle s’adosse avec humilité le petit village. Et pourtant c’est l’arrivée de la grimpette matinale. La pente est têtue et nous sommes à 4000 mètres alors il faut s’accrocher dans les boucles qui mènent à la forêt de pierres du sommet. Mais les efforts sont récompensés et la haut, perchés sur la crête, la terre est ronde. La forêt dévoile un paysage lunaire, digne de Dali : on se sent plein et on ne se sent plus.



Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire