jeudi 16 décembre 2010

Boucle nord

Des shampooings qui disparaissent sur le rebord de la douche, des étiquettes qui se décollent sur les étagères des frigos, une vaisselle qui, malgré les efforts des derniers résidents, ne parvient plus à s'entasser avec le même désordre. Voilà le portrait sans retouche de la Baca Flor de ces dernières semaines. Je quittais mon humide chambre, réalisant l'ascension spatiale qui ferait de moi un habitant du lumineux troisième étage et un usager fréquent du charmant escalier en colimaçon qui y dépose. Content donc, mais pas exempt d'une certaine émotion à l'écriture des dernières lignes du premier des trois chapitres de mon année au Pérou.

Partis en vadrouille ou rapatriés pour de bon, mes chers colloques s'étaient donc presque tous fait la malle, ne me laissaient guère d'autre choix que de les imiter pour ne pas avoir le bourdon qui vient avec les adieux. Les choses tombaient plutôt bien puisque venaient d'arriver deux vieilles connaissances qui n'étaient autres que mes parents, avec qui nous pourrions nous échapper un peu pour voir du Pérou. Le plan: une escapade dans le nord, Huaraz et Trujillo.

Notre première étape est haute en couleurs et en altitude, aussi. Perchés à 3000, nous nous dégotons un plan rando de trois jours dans la Quebrada Santa Cruz, qui nous est conseillé en ce début de saison des pluies, "demain, on passe vous chercher à 6h", mise à jour: nous vivons au rythme du soleil. A 6h, heure péruvienne, le lendemain nous embarquons donc dans un minibus dans lequel se trouve notre guide qui ne nous adresse qu'un buenos dias timide durant la première demi-heure, le type parle peu mais se révélera pour autant très sympa. Nous grimpons ensuite dans un autre collectivo des années 90, qui se lance à une allure optimiste sur les routes gruyerées et les pistes de la cordillère. Pour la première fois en direct live le Mont Blanc fait profil de petit joueur puisqu'il vient d'être concurrencé par le Huascaran dans notre livre personnel des record. La montagne, qui se cache avec timidité derrière son manteau de nuages, nous révèle juste son sommet qui parait léviter à 6700 mètres dans le bout de ciel bleu que nous concède la saison. Et là, dans le village du bas, des gamins jouent au foot devant ce fond d'écran windows. Le reste de la rando offre des paysages à couper un souffle, déjà ralenti par l'altitude. Lagunes turquoises, montagnes enneigées ou ennuagées, des paysages qui changent d'un pas à l'autre avec les caprices de la météo qui est heureusement particulièrement clémente pour l'époque de l'année. Le cadre est parfois mystérieux, souvent grandiose, toujours apaisant et l'athée que je suis y trouve quelque chose de divin. Enfin mieux vaut laisser la parole aux photos.

L'étape d'après c'était Trujillo, une ville côtière cotée au charmant centre colonial dont on visite quelques hôtels particuliers des mieux conservés qui me font réfléchir, rien de bien poussé, sur l'identité architecturale, espagnole, de ces villes, péruviennes. Mais pas si vite, au sortir de la ville se trouvent les vestiges de cette culture pré coloniale, dans les ruines de la Huaca de la Luna, impressionnant temple religieux qui abrite les belles fresques de la civilisation Moche (prononcer "motché") où les monumentaux complexes Chimu. Les deux sites valent bien de nous occuper la journée du 24 décembre et nous font très vite oublier, chaleur aidant, que c'est aussi, pour une autre civilisation, le jour du réveillon. Pas de sapins, pas de neige, on se demande comment le vieux barbu tiendrait sans suffoquer dans sa combinaison rouge et on reste profondément dubitatifs face à l'idée des rennes volant au pays du lama. C'est en effet un noël d'un tout autre genre qui nous attend, avec salsa, carnaval et feux d'artifices, tout le monde dans la rue jusqu'à minuit, ainsi le veut la coutume, qui n'autorise à manger et à offrir les regalos que le jour du 25, jour où nous rentrons faire une halte à Lima.


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